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  • JMG

Littéra/Avent-ture – #5


J’me présente, je m’appelle Henri. Bon, ce n’est pas très glorieux comme prénom, mais c’est comme ça. Mes parents devaient sans doute aimer Balavoine. Je n’ai jamais été beau ni particulièrement intelligent, mais j’ai toujours su, depuis ma plus tendre enfance, que ma destinée serait exceptionnelle.


Un beau jour (ou peut-être une nuit?), j’ai décidé de partir à l’aventure, baluchon sur l‘épaule, direction le Grand Nord. Pas les Hauts de France, non… Celui tout en haut du bout du haut, là où il fait bien froid et où les nuits durent six mois…


Je ne sais pas si j’y ai réussi ma vie, mais c’est là que j’ai réalisé mon rêve: devenir un des petits lutins qui aident le Père Noël. Une année de labeur pour une nuit de boulot intense.


Elle, c’est Kaija. Une petite lutine 100% finlandaise. Je l’ai rencontrée quelques jours après mon arrivée et le coup de foudre fut immédiat. Pourtant, nous ne parlions pas la même langue, mais peu importe la musique des mots quand les âmes sont au diapason. Nous n’avions (presque) pas besoin de nous parler, nous nous comprenions toujours naturellement.


J’ai commencé à apprendre le finnois et elle le français. Je ne sais pas lequel de nous deux en a le plus bavé! «Minä rakastan sinua», ça veut dire «Je t’aime». Et «Je n’aime pas le chocolat» se dit «En pidä suklaasta». Car non, je n’aime pas le chocolat. Et elle non plus, d’ailleurs, ce qui nous a épargné de travailler directement dans la fabrique de confiseries du Père Noël, qui représente le plus gros de ses activités.


Ce n’est pas grave, car il y a tellement de choses à faire que, régulièrement, nous sommes tous appelés à changer de département, de service. Cette année, par exemple, nous avons d’abord été affectés à la section «Peluches» où nous avons confectionné toutes sortes de doudous et de compagnons pour petits et grands (il n’y a pas d’âge pour les adorer), prêts à être expédiés dans les supermarchés.


Puis nous avons été, il y a quelques semaines, transférés au service du courrier. Il faut dire que les lettres ont commencé à arriver massivement des quatre coins du monde!


C’est là que tout a dérapé. Nous voulions, Kaija et moi, être plus souvent ensembles plutôt que dans nos ateliers ou devant nos machines. Alors nous avons commencé à être moins ponctuels, moins attentifs, moins consciencieux. Nous nous réfugions souvent derrière le grand sapin, près de l’atelier à couper du bois, en face du bureau postal, pour être vraiment seuls.


Mais nous n’avons pas dû être suffisamment discrets. Le grand patron l’a su… Il a l’air gentil, avec son air tout bonhomme, son petit ventre rondouillet et son regard plein de malice, mais il peut aussi être très sévère et strict si chacun ne fait pas sa part de travail. Un peu comme avec des enfants qui sont punis pour ne pas avoir été assez sages.


Et c’est comme ça que nous nous nous sommes retrouvés, tous les deux, punis. Ensemble. Dans un autre département. La bonne nouvelle, c’est que nous sommes toujours ensemble. Mais comment vivre notre amour alors que nous sommes plantés, tous les deux, à côté d’un petit sapin, sur une bûche parfum fraise-vanille rangée dans une boîte en carton?

reste.


Ouvrez les autres cases!!




















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