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  • JMG

Littéra/Avent-ture – #2


Ne me regardez pas comme ça, sans me voir. Passez votre chemin si, dans vos yeux, rien ne transparait d’autre que de l’indifférence et un air de «déjà vu» tellement dégradant.


Connaissez-vous seulement mon histoire ? Savez-vous seulement d’où je viens ? Avez-vous pris le temps, ne serait-ce que quelques minutes, d’appuyer sur «Pause» dans la playlist de vos vies trépidantes pour vous interroger sur le monde qui vous entoure?


Je n’étais pas forcément destiné à finir là, dans cette rue, certes joyeusement illuminée et animée du tumulte permanent des passants toujours pressés. Je n’imaginais pas me retrouver seul dans le froid et le vent, sans compagnie, sans domicile, sans avenir.

Je me rappelle de mes tendres jeunes années dans la quiétude et la douceur de ma Franche-Comté natale. Nous étions une bande de copains, unis comme les doigts de la main. Nous étions persuadés que rien ne pourrait nous arriver. Nous étions beaux. Nous étions forts. Nous nous protégions mutuellement lorsque les vents mauvais venaient à souffler un peu fort. Nous ployions parfois lorsque les secousses étaient encore plus intenses, mais jamais nous n’avons rompu. Toujours droits. Toujours fiers.


L’hiver, la neige ne nous faisait pas peur. Bien au contraire. Nous adorions, dans ce coin connu comme étant l’un des plus froids de France, jouer avec les flocons et nous draper de ces blancs voilages comme des capes de super-héros. Rien ne pouvait nous arriver.

L’été, nous adorions ne rien faire d’autre que nous laisser vivre au fil des jours, sous un soleil radieux, souvent complice, jamais agressif.

Au printemps et en automne, nous vivions l’entre-deux dans la joie et la bonne humeur. Et les années se succédaient avec la certitude que nous n’avions rien à craindre de quoi que ce soit ni de personne.


Un doux rêve. Une idiote utopie. Le paradis sur terre n’existe pas.


Lorsque j’ai dû quitter ma douce campagne franc-comtoise, il ne m’a pas fallu longtemps pour comprendre que plus rien ne serait jamais comme avant. J’ai très vite perdu tous mes repères, mes certitudes, mes racines ancestrales. Je n’ai rapidement plus été maître de mon destin. Et c’est sans trop vraiment comprendre comment ni pourquoi je me suis retrouvé là, dans cette rue magistrale du chef-lieu voisin, ouverte à tous les vents qui me paraissent aujourd’hui tellement plus glaciaux que ceux d’antan. Avec juste quelques ridicules cartons à mes pieds en guise de dérisoire bouclier contre l’absurdité de la vie.


Je pense être toujours aussi droit, mais je ne suis plus fier. J’ai perdu mon âme. J’ai perdu ma raison d’être. J’en ai été dépouillé par des bandits de grand chemin, agissant en toute impunité. Au-dessus des lois, à commencer par celles de la nature.


Dans ma solitude, je pense à tous ceux qui, comme moi, ont été arrachés de leurs terres natales pour finir avec des guirlandes lumineuses et des faux paquets cadeaux accrochés à leurs branches.


Avec cette étoile posée sur notre cime, comme un diadème… mais plutôt comme une couronne d’épines sur la tête du crucifié pour le plaisir des autres.


Ouvrez les autres cases!!











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