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Mirage princier


Tout le pays, ou presque, ne va parler que de ça, pendant au moins deux jours. Même le Premier ministre Jean-Claude Juncker, cité par l’agence de presse DPA, estime que l’événement «est dans les cœurs et les esprits de la grande majorité.»


Toute la presse s’est évidemment emparée du sujet, en long et en large (et même parfois en très large comme le Wort), tout en évitant soigneusement, de préférence, les travers. D’autres s’en sont chargés, comme les quelque 400 signataires de la pétition «anti-monarchie» mise en ligne sur Internet et reprochant, notamment, l’utilisation de lieux et de symboles de la souveraineté démocratique pour des festivités privées de la famille grand-ducale.


Le mariage princier – puisque c’est évidemment de cela qu’il s’agit – ne laisse en tous les cas personne (ou si peu) indifférent. Prestige de l’événement et rayonnement du Grand-Duché à l’international d’un côté ; contraintes de sécurité et embarras de circulation de l’autre: il faudra sans doute, à un moment donné, choisir son camp.


À l’heure où la Nation s’apprête à souhaiter tout le bonheur du monde au couple princier, il est à espérer qu’il reste suffisamment de monde pour souhaiter tout le bonheur à la Nation.

Et puis surtout, il faudra bien profiter des festivités du week-end. Car bien vite, la vie «normale» reprendra son cours. Avec son lot de nouvelles pas toujours réjouissantes, où pour un «oui» répond trop souvent bien plus qu’un «non» en écho.


Antoine de Saint-Exupery, dans «Le Petit Prince», expliquait que l’amour ne consiste pas à se regarder l'un l'autre, mais à regarder ensemble dans la même direction. Et si l’heureux événement d’un mariage d’amour donnait des idées aux décideurs de ce pays? Et si tous, et chacun, prenaient le parti d’épouser la même cause commune pour le redressement du pays et le bien-être des générations à venir? Sans doute la morale s’accommoderait-elle alors parfaitement de cette joyeuse polygamie.


Et même si «mariage» et «mirage» ne sont séparés que d’un «a» - qui n’est même pas triple -, pourquoi ne pas imaginer tous les partis politiques (majorité et opposition réunis), portant les alliances et avançant d’un même pas, au son de la marche nuptiale, vers l’autel de la discipline budgétaire retrouvée?


Et pourquoi pas rêver de voir patrons et syndicats réconciliés au terme du banquet, par la grâce d’un plan de table savamment établi?


Est-il utopique d’imaginer raison et sagesse ne s’unir que pour le meilleur et enfanter des triplés (toute allusion à une quelconque publicité parue dans un quotidien gratuit est totalement fortuite) qui pourraient s’appeler stabilité, croissance et compétitivité?


À l’heure où la Nation s’apprête à souhaiter tout le bonheur du monde au couple princier, il est à espérer qu’il reste suffisamment de monde pour souhaiter tout le bonheur à la Nation.




(article écrit sur le site de Paperjam)

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