Ce jeudi 11 mai marque la célébration du 150e anniversaire du traité de Londres. Un accord international qui entérina définitivement l’indépendance du Grand-Duché pourtant déjà inscrite dans les actes 28 ans plus tôt.
C’est de Londres qu’est venue la lumière pour le Grand-Duché de Luxembourg. Et deux fois plutôt qu’une. Ce jeudi 11 mai marque le 150eanniversaire du traité de Londres, le second des deux actes historiques qui ont établi l’indépendance d’un pays longtemps ballotté au gré des alliances et des pouvoirs en place dans les grandes puissances européennes plus ou moins voisines.
Sous domination des Pays-Bas à partir de 1443, puis de l’Espagne (1555), puis de la France (1659), de nouveau de l’Espagne (1697), avant de devenir autrichien (1715), puis de nouveau français (en étant désigné, en 1795, comme le département des Forêts), le Luxembourg devient, à la suite du congrès de Vienne de 1815, propriété personnelle de Guillaume Ier, roi des Pays-Bas nommé également Grand-Duc du Luxembourg. Il s’agit notamment de «compenser» le passage sous drapeau prussien de quelques petites principautés hollandaises situées en Westphalie.
Mais une partie du territoire du Luxembourg (les terrains se trouvant à l’est de la Moselle, de la Sûre et de l’Our) est aussi donnée à… la Prusse, et le pays est intégré au sein de la Confédération germanique (regroupant les territoires de l’ancien Saint-Empire), qui compte alors 39 États. Le Luxembourg devient une place forte fédérale, dont la présence est supposée dissuader de nouvelles velléités d’expansion de la France. Les cendres laissées en Europe par l’empereur Napoléon Ier sont encore fumantes…
Déjà en 1839…
En 1830, quelques-unes des 17 provinces du sud des Pays-Bas se soulèvent et amènent à la révolution belge, qui aboutit à la création du royaume voisin, et à la reconnaissance de son indépendance le 4 octobre 1830. Mais si le Luxembourg s’intègre dans cette nouvelle entité et passe sous autorité belge, la capitale-forteresse, elle, reste sous le contrôle de Guillaume Ier.
Une situation qui perdure jusqu’en 1839, date à laquelle le premier traité de Londres du 19 avril impose le partage du Luxembourg en une partie «belge» et une partie indépendante qui demeure sous la souveraineté des d’Orange-Nassau, mais perd son lien «physique» avec les Pays-Bas. Son administration est séparée, et les frontières alors définies sont celles que l’on connaît aujourd’hui.
Est-ce pour autant la fin des turbulences pour le Grand-Duché? Que nenni! Après un quart de siècle où le pays se structure démocratiquement (établissement d’une première constitution en 1841, revue en 1848, puis en 1856) et économiquement (création des premières banques nationales et des principales institutions; développement des chemins de fer…), le Luxembourg est de nouveau rattrapé par l’histoire tourmentée de ses voisins.
Zone tampon
La Guerre des sept semaines austro-prussienne entre juin et août 1866 provoque en effet la dissolution de la Confédération germanique. Devant la menace que représente l’expansion du royaume prussien du chancelier Otto von Bismarck, l’Empereur français Napoléon III propose alors au Roi Grand-Duc Guillaume III de racheter pour la bagatelle de 5 millions de francs-or le Grand-Duché, qui se profile en zone tampon idéale. Un marché auquel Bismarck oppose un «nein» formel, une partie de sa garnison occupant toujours la forteresse de Luxembourg.
Retour, donc, sur le terrain des négociations à Londres où, finalement, un compromis est trouvé après cinq jours de négociations: d’un côté, la France retire son OPA amicale sur le Grand-Duché, et de l’autre, la Prusse démantèle sa garnison. Le statut international et l’indépendance du Luxembourg, déjà inscrits dans le traité de 1839, sont ainsi confirmés, voire renforcés, le pays étant déclaré perpétuellement neutre avec l’approbation de l’ensemble des autres États signataires: l'Empire austro-hongrois, la Belgique, la France, l’Italie, les Pays-Bas, la Prusse, la Russie et le Royaume-Uni. Il est d’ailleurs amusant de constater que les six membres fondateurs de l’Union européenne, un peu moins d’un siècle plus tard, figurent sur la liste des signataires. Mais c’est une autre histoire.
Pour les négociations de Londres, les deux représentants luxembourgeois sont Marie-Victor baron de Tornaco, qui est, depuis septembre 1860, ministre d’État, président du gouvernement et directeur général des Affaires étrangères, et Emmanuel Servais, qui fut administrateur général des finances du précédent gouvernement et siège, depuis 10 ans, au Conseil d’État.
Une facture de 1,8 million de francs-or
L’approbation de ce traité de Londres fait l’objet, au Luxembourg, de la loi du 21 juin 1867. Mais le comportement jugé «attentiste» du baron de Tornaco au cours des négociations lui est reproché par la suite. Et lorsqu’il soumet à la Chambre des députés une loi sur la réorganisation militaire rendue obligatoire par le démantèlement de la forteresse prussienne, la proposition est rejetée par les députés, obligeant le ministre d’État à démissionner. Un nouveau gouvernement est formé en décembre 1867, avec à sa tête… Emmanuel Servais.
C’est à lui que revient, donc, la lourde mission de concrétiser, sur le terrain, les termes de l’accord de Londres. Le démantèlement de la forteresse et la démolition des ouvrages de fortification prendront plus de 15 ans et coûteront la bagatelle de 1,8 million de francs-or. Mais sans doute l’indépendance n’a-t-elle pas de prix…
(article publié sur www.paperjam.lu)
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