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  • JMG

And the loser is…


Adieu l’Europe je t’aimais bien. Adieu l’Europe je t’aimais bien, tu sais. On n’était pas (toujours) du même bord, on n’était pas (toujours) du même chemin, mais on cherchait le même port. Adieu l’Europe je t’aimais bien. C’est sur de mourir au début de l’été, tu sais. Et bien sûr, il y en a qui vont rire, qui vont danser et qui vont s’amuser comme des fous…


Le Brexit a longtemps eu semblance d’épouvantail, de menace symbolique comme celle, enfant, que l’on pouvait se voir brandir si l’on n’était pas sage, au risque, selon l’âge, que le père Noël ne vienne pas, que l’on finisse en pension, ou que l’on soit privé de sortie le week-end suivant.


Il est désormais une réalité bien concrète qui va torturer les méninges de bon nombre d’administrations lorsqu’il s’agira de détricoter toute cette pelote bien fournie. La laine est souvent bien chargée les lendemains de cuite.


L’Europe n’avait peut-être pas envie de s’apercevoir que même au vénérable âge de 59 ans, 2 mois et 29 jours (entre l signature du traité de Rome et le référendum britannique), la vie peut encore offrir bien des surprises, bonnes ou mauvaises. Seul le recul de l’Histoire permettra de juger si la volonté du peuple britannique de larguer les amarres du ponton de l’Union européenne est une bonne ou une mauvaise chose, mais on a tout de même bien du mal à se réjouir du moment présent, même si, égoïstement, on peut supposer que la place financière luxembourgeoise en tirera sans route de substantiels avantages.


En répondant par la seconde proposition à la question «Should I stay or should I go?», les Britanniques ont finalement choisi d’aller directement au clash, rappelant à ceux qui l’auraient oublié que cette Albion, que d’aucuns qualifient de perfide, est une île. Et qu’elle le sera plus encore une fois que le processus de sortie sera arrivé à son terme, ce qui prendra encore un petit moment.


Sans doute robert Schuman s’en retourne-t-il dans sa tombe. Lui qui, dès 1950 et sa déclaration fondatrice du 9 mai, imaginait se réaliser «simplement et rapidement la fusion d’intérêts indispensables à l’établissement d’une communauté économique».


Visionnaire, mais certainement pas naïf, il savait que l’Europe «ne se fera pas d’un coup ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait».


Le 23 juin 2016, c’est pourtant d’un coup brutal que cette belle Union européenne a été frappée. Certes, le coup est venu de l’un des États historiquement les moins «europhiles» et ce, pratiquement depuis son adhésion à ce qui était encore la CEE en 1973. Certes, on peut toujours se réjouir en se disant qu’il vaut mieux une Europe qui tourne à plein avec 27 États membres motivés et convaincus d’un projet qui est en perpétuelle évolution plutôt qu’un attelage bancal. Mais il est plus que probable qu’à l’heure où remontent des égouts de l’Histoire des relents de protectionnisme, voire de nationalisme, ce vote historique suscite ailleurs des envies d’anticipation similaires.


Quelque 17,5 millions de Britanniques se sent dans la peau de «winners» en grattant leur ticket de sortie. Faut-il en déduire que 450 millions d’Européens convaincus sont à ranger au rang des «losers»? C’est évidemment très tentant de l’imaginer ainsi.


Pourtant, on a envie de croire que les déclencheurs du Brexit vont peut-être finalement rendre un fier service à cette Union qui semble un peu à court de souffle ces derniers temps. De plus en plus malaimée et mal comprise, toujours obligée de faire le grand écart entre des intérêts et des cultures très différents, sans cesse à la recherche de compromis sous peine d’un blocage institutionnel à cause d’une «gouvernance » trop lourde, l’Europe, telle qu’elle s’est développée depuis bientôt six décennies, a sans doute vécu.


Reste à espérer que les leçons de ce Brexit seront vite tirées sur le Vieux Continent, sans quoi il ne restera plus grand monde pour rire, danser et s’amuser comme des fous.




(éditorial paru dans l'édition juin-juillet 2016 du magazine Paperjam)

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