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JMG

Redevenons nous-mêmes


L’émotion commence, très lentement, à retomber après une des semaines les plus éprouvantes qu’a connue la démocratie occidentale depuis très longtemps.


Le choc entre liberté d’expression et fanatisme aveugle a été d’une violence inouïe, dépassant l’entendement, tutoyant l’irrationnel, flirtant avec l’irréel. L’intensité de la mobilisation de plusieurs millions de personnes dans les rues de France et de Navarre tout au long du week-end, mais aussi la présence à Paris de nombreux chefs d’État et de gouvernement étrangers résument la profondeur du traumatisme ressenti par la population, pas uniquement française.


On notera au passage – et même s’il y a une question d’échelle qui intervient dans l’appréciation – que le Luxembourg n’a pas été cité parmi les capitales et autres villes mobilisées pour la cause et que la présence de Xavier Bettel à Paris est passée totalement inaperçue. Soit, ce n’est pas le propos.


Tout, ou presque, a été dit, écrit ou, mieux encore, dessiné. Les coups de crayon et les mots comme exutoire aux coups de canon et aux maux. Les réseaux sociaux ont démultiplié le partage des émotions et les médias «traditionnels» ont joué, au mieux (mais pas toujours), leur rôle. Sans doute les journalistes ne l’auraient-ils pas fait avec autant d’engagement et de sincérité si ce n’avait pas été quelques-uns «des leurs» qui avaient été touchés. Mais il n’y a évidemment rien de plus légitime que de s’élever avec véhémence contre tout acte s’opposant à la liberté d’expression. Un bien dont on ne mesure sans doute jamais assez le caractère précieux dans nos sociétés.


Chez Charlie Hebdo, cela avait «commencé» par une attaque au cocktail Molotov fin 2011, après la publication de caricatures de Mahomet. Au Hamburger Morgenpost, attaqué ce dimanche pour des raisons identiques, il est évidemment difficile de ne pas y penser…


Et Dieu créa l’infâme


Quand trois individus viennent à remporter la coupe d’immonde toutes catégories, c’est la preuve que la nature n’est pas toujours bien faite. Et (un) Dieu créa l’infâme… Le malsain esprit qui a soufflé sur Paris et Dammartin-en-Goële descend directement de celui qui, toutes proportions gardées, a plongé New York dans un indescriptible chaos 13 ans plus tôt, tout comme à Madrid en 2004 ou à Londres en 2005.


En 2001, après les attentats du World Trade Center et du Pentagone, tout le monde – ou presque – a cru bon de se sentir Américain. En 2015, tout le monde – ou presque – s’est autoproclamé Charlie. La grande majorité par conviction. Beaucoup par mimétisme. Quelques-uns par opportunisme. De 2001 à 2015, on a du mal à se convaincre que le monde s’est amélioré, entre crises économiques à répétition et montées en puissance de nauséabonds relents d’extrémisme et de fondamentalisme un peu partout sur la planète.


Il ne sera sans doute pas facile de tourner la page. Mais comme le veut l’adage, «the show must go on». Et tous les Charlie du monde ne doivent désormais pas oublier de redevenir ce qu’ils sont à la base: des êtres humains, nourris d’un même lait de démocratie et de respect des valeurs de liberté et de fraternité.


Construire, ici, ensemble


Au Luxembourg, ce retour «à la normale» sera loin d’être anodin alors que se profile un rendez-vous citoyen historique, en juin prochain, avec la tenue d’un référendum concernant, entre autres, la possibilité donnée aux résidents étrangers de participer au processus démocratique national.


Puissent tous les Charlie d’aujourd’hui se rappeler, alors, que le «vivre ensemble» est une composante clé de toute société digne de ce nom, tout comme la liberté d’expression, et que le pluralisme culturel exceptionnel dont jouit le Grand-Duché doit servir de ciment pour la construction de ce «Luxembourg de demain» auquel tout le monde aspire. Il s’agira de ne pas l’oublier au moment où se tiendront les débats, forcément passionnés, qui se profilent autour de cette question d’une plus grande intégration nationale.


S’il ne doit rester qu’une seule leçon de tous ces derniers événements, il faudra que ce soit celle-là. Et ça, c’est fondamental.



(article publié sur le site de Paperjam)


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